jeudi 24 janvier 2013

Les légendes urbaines du travail à la maison ...

Les trucs que je pensais que oui, alors qu'en fait non, ou un peu mais pas exactement non plus comme je pensais avant. 

1/ je ne serai plus jamais en retard.

Faux. Certes tu es sur place, mais on le sait, ce sont souvent les personnes les plus proches d'un lieu de rendez-vous qui arrivent le plus tard. Et puis c'est sans compter les copines devant l'école, à qui, avant, tu  agitais fébrilement la main, sans ralentir ta course effrénée vers la voiture, après avoir "jeté" les enfants dans la cour. Maintenant que tu as le temps, tu tapes la biz, tu discutes, tu dissertes... par contre, si tu es encore là lorsque sonne l'heure de la récrée du matin, c'est que tu as vraiment abusé...

2/ j'organiserai mon temps de travail comme je voudrais.

Non. Parce que déjà tu es contrainte par les horaires de la vie quotidienne : l'école, les repas, les feux de l'amour. Et puis, si tout va bien, tu as des clients. Donc comme dans ta vie de salariée, tout ce que tu as prévu de faire dans la journée sera chamboulé par : une demande urgente, un retard dans un retour de validation, la rhino du petit dernier, la voiture à emmener chez le garagiste...

3/ je serai plus disponible pour ma famille, mes mômes. 

Ok tu es plus souvent à la maison. Si pour toi être "plus disponible" signifie murmurer des "hum hum, ooohhh, oui c'est bien" ou hurler des "Sileeenceeeeee, lâches ton frère", de dos sans interrompre tes doigts sur le clavier, à des enfants collés devant la téloche... alors oui tu es plus dispo.

4/ je serai moins stressée.

Faux. Avant tu stressais pour le boulot à rendre, la manif à organiser, le dossier à boucler pour le boss. Tu angoissais de ne pas donner satisfaction à tes supérieurs. Maintenant tu angoisses pour Ta boîte, Ton boulot, Tes clients. Bref, tu angoisses égoïste, mais tu angoisses toujours...

5/ plus personne ne me dira ce que je dois faire.

Faux. "Chérie, comme tu es à la maison, entre deux dossiers bien sûr, tu pourras faire la lessive/étendre la lessive/faire un peu de repassage/vider le lave-vaisselle/rentrer du bois et passer un petit coup d'aspi?"
Ben tiens.

6/ je me préparerai comme pour aller au bureau.

Faux. L'été tu préféreras la robe à bretelles, le short et le débardeur, les tongs au tailleur-jupe/sandales à lanières qui te scient les doigts de pieds. En hiver, tu troqueras ton tailleur-pantalon en velours, contre un bon gros jean informe - mais qui est tellement confortable - avec un bon gros sweat ou pull en laine et des chaussons en moumoute.
La réunion skype impromptue reste un très bon garde-fou pour ne pas se laisser aller sur le shampoing, le maquillage ou le peignoir à 11h...

7/ je serai moins tentée de faire de pauses café avec les copines.

Vrai ! sauf si tu as le téléphone, FB, tweeter, etc ... et des voisines qui bossent à domicile aussi.


8/ je ne serai plus obligée de subir le serveur de l'assistance informatique.

"Pour un problème de téléphonie, tapez 1, pour un problème avec votre poste de travail, tapez 2, pour un problème avec un programme informatique, tapez 3..." tout ça pour s'entendre dire :" vous êtes sure qu'il est branché votre ordinateur?..."
Là tu n'as pas d'assistance informatique, donc quand ça ne marche pas, tu débranches et rebranches, tu pestes, tu cries, et puis, au final, tu téléphone "SFR bonjour, pour contacter l'assistance téléphonie, tapez 1, un problème avec votre réseau internet, tapez 2, un problème avec (cette saleté de) boîtier Femto (tout pourri qui est censé te reconnecter au monde mais que en fait il ne fonctionne JAMAIS), tapez 3, ..." tout ça pour s'entendre dire "Vous êtes sure qu'il est bien connecté votre boîtier Femto ?"...

9/ je vais enfin arrêter de manger n'importe quoi.

C'est vrai qu'entre les déjeuners avec les collègues, les déjeuners de travail, les panini avalés en vitesse, les pots de départ, d'arrivée, de naissance, d'anniversaire, les goûters, les cookies blancs, tu as un peu pris de la bedaine ces dernières années.
Maintenant, plus de tentation. Mais qui a fini les "Petits Écoliers" des mômes? "Chérie, il ne restait pas du Côte D'or?", "ton sachet de boulgour est bientôt périmé, on le jette ou pas?"... bref...

10/ je vais enfin être tranquille.

Alors là, c'est vrai. Tranquille, seule, au calme. Très très au calme. Bien isolée. C'est bon tout ce silence. C'est calme. Tranquille. C'est serein, c'est zen. Voilà c'est ça, c'est zen.
Super Zen.
Voilà.

Tiens si j'appelais au bureau pour prendre des nouvelles? je vais mettre la radio un peu aussi. Et puis je vais regarder quand à lieu la prochaine séance de co-working dans ma ville. tiens le chat ! non mais reviens le chat, j'ai plein de choses à te raconter depuis la dernière fois, le chaaaattttt !!!




samedi 12 janvier 2013

Je me suis fait un revival de ma vie de bureau…



Hier, j’avais un rendez-vous avec une conseillère pour une mutuelle de santé. Avant ma mutuelle était imposée par ma boîte, je ne me posais pas vraiment de questions. Maintenant, je dois choisir ma mutuelle, et, en substance, je dois choisir si je vais avoir des problèmes de vue, d’audition, de dentition, ou si je vais être hospitalisée bientôt. Bref, je dois cocher des options pour savoir si je préfère avoir : des lunettes à monture en bois ou griffée, un sonotone perfectionné ou demander aux gens de parler plus fort, une jolie couronne en céramique (tiens je dois prendre rdv chez le dentiste) qui coûte un bras, ou un sourire à la mode de n’importe quel rappeur en jogging, une hospitalisation dans une chambre individuelle, où je pourrais péter seule en matant les feux de l’amour tranquillos ou une chambre à deux voire trois, à devoir attendre mon tour pour aller faire pipi, me taper les jeux de TF1 sans pouvoir écouter les feux de l’amour parce que la famille entière de l’éclopée à ma droite aura décidé de venir lui tenir compagnie… bref, pas une décision anodine.

J’arrive avec un peu d’avance, la personne à l’accueil est un peu dans le genre des Sophie&Sophie, en moins drôle. Elle m’ouvre une porte sur un couloir et me plante là. Ahhh la douce moquette pleine d’acariens, les murs en plastiques modulables, pas de doutes, nous sommes dans des « bureaux ». Seule dans mon couloir, je me dirige alors vers le premier bureau occupé dont les stores ne sont pas baissés et dont la porte est ouverte. Un jeune cadre dynamique est en plein boulot, avec tout le package : ordi portable, blackberry + Iphone, piles de dossiers, stylos de marque, téléphone qui clignote (= j’ai des messages en attente tellement je suis débordé je n’ai même pas le temps de les écouter), trois gobelets de café … je me poste à l’entrée de son bureau et l’interpelle « Bonjour, j’ai rendez-vous avec Mme …. ». Le costard-cravate lève les yeux vers moi. Ma conseillère n’est pas arrivée, mais il m’invite à patienter dans la salle de réunion située derrière. Avant de repartir il me propose un café que je décline. Et je peux vous dire tout de suite que lui, soit c’est le boss, soit c’est un stagiaire. Et au vu de son bureau, c’est le boss… Et pourquoi ? Parce qu’il n’a pas du tout l’habitude d’accueillir des clients. Il ne me serre pas la main, semble gêné, comme si il voyait un « prospect » pour la première fois, et, en grand professionnel, il m’installe pour me faire patienter dans une salle qui avait du accueillir le matin même une réunion sur « comment convaincre le client de signer vite et haut » : tout le dispositif de vente est affiché au tableau, avec de jolis schémas sur des paper-board, les objectifs de chacun et les cadeaux récompensant les gagnants du challenge de ce mois-ci.

Quand ma conseillère arrive enfin, je vois à sa tête que la bourde de son boss ne passe pas inaperçue…nous gagnons son bureau, et je me retrouve là où j’étais il y a un 18 mois, la dépression en moins. La moquette grise, sale, les murs en cloisons fines comme du papier, qui laissent passer toutes les conversations. Les armoires à fermeture « accordéon » de couleurs gaies comme le noir, le gris, ou le beige… entre nous, on les appelait des armoires de prison. Le bureau en mélaminé gris, le « caisson » pour y disposer ses petits dossiers et ses fournitures : stylos, trombones, agrafeuses, stabylos jaunes… Le téléphone à cadran, avec toutes les options possibles : renvoi d’appel, audio, répertoire et sonneries pourries. A la fin de ma vie de salariée de bureau, j’avais une sonnerie magnifique : un mec qui disait en boucle « Are you there ? Are you there ? Are you there ? ». Il y a avait la version femme aussi. Ça rendait dingue mes collègues. En une seconde, j’ai tout revu : même mobilier, même disposition, même contrainte de se brancher au réseau pour imprimer trois feuilles, même ordinateur, mêmes armoires, mêmes dossiers empilés, mêmes porte-manteaux…
Ma conseillère est allée chercher les documents sortis de l’imprimante, j’ai alors pu réaliser qu’elle avait aussi les mêmes collègues en entendant les conversations dans le couloir. Deux personnes se faisaient mille courbettes à l’occasion de la nouvelle année, une autre annonçait le pot-galette du lendemain midi, ma conseillère pestait contre l’imprimante qui ne fonctionnait pas, épaulée dans sa galère par un collègue qui menaçait d’engueuler Serge de la logistique si cela ne s’arrangeait pas au plus vite… J’ai entendu ses petits pas dans le couloir, nous avons finalisé l’entretien, elle a proposé de me raccompagner, mais, profitant du fait que son téléphone sonnait, j’ai décliné sa proposition, lui certifiant que je retrouverai très bien mon chemin. Une fois dans le couloir, j’ai pu tout à ma guise admirer les « cases courrier » de chaque service de cet étage, les vieilles affiches de publicité accrochées par le département marketing pour « égayer » le couloir gris, les plantes vertes à l’agonie, les cartons déposés devant les bureaux… et surtout, j’ai pu entendre tous ces bruits qui font l’atmosphère d’une vie de bureau : les conversations téléphoniques trop bruyantes, les murmures des discussions plus confidentielles, les sonneries, toutes plus kitsch les unes que les autres, le manager qui déclame son discours de motivation en réunion d’objectifs hebdomadaire, les imprimantes en fond sonore… J’ai respiré à fond les odeurs de poussières, de renfermé, de papiers, d’after-shave, de parfums mal dosés, puis j’ai ouvert la porte et je suis sortie de l’immeuble. Et j’ai ressentie un sentiment de liberté, comme quand je séchais les cours au lycée pour aller au café avec les copains, la culpabilité en moins. L’impression de respirer à pleins poumons, après une longue période d’apnée. L’impression que les gros doigts de l’entreprise avaient enfin desserré leur étreinte de mon petit nez, pour le laisser respirer à sa guise…  

mercredi 2 janvier 2013

Bonne année ! allez, pour une fois, on s'embrasse ?

Texte utile pour une fois, à lire avant que la horde de tes collègues ne débarque pour te biser la joue... Cette liste est non exhaustive, si tu as des idées, exprime toi.

1/  le grand classique, évoquer la maladie familiale : "mon fils a une gastro, mon mari et mes enfants ont la grippe, le chat n'arrête pas de vomir..."
Avantage : en plus d'éviter la bonne biz, un large périmètre de sécurité sera mis en place, tu seras tranquille pendant plusieurs jours.
Inconvénient : il y en a toujours un qui va te dire "on peut s'embrasser quand même, chez moi c'est pareil!". Et là, en plus de la bonne biz, tu récupères les miasmes...

2/ plus pointu, l'herpès. L'herpès fout la trouille, la personne reculera d'au moins cinq pas, en grimaçant.
Avantage : personne ne tentera le "c'est pas grave, on s'embrasse quand même".
Inconvénient : la rumeur d'entreprise est fourbe, ton pseudo herpès labial, peut vite se transformer en herpès génital, avec moult détails sur la façon dont tu l'as choppé. 

3/ simuler un appel téléphonique : "Oh tiens mon téléphone vibre, je suis désolée, je dois vraiment prendre cet appel... mais on se revoit vite !"
Avantage : donner l'impression d'être overbookée dès le lendemain du réveillon, d'être à fond à fond.
Inconvénient : difficile d'argumenter un second appel quand ton téléphone se met à réellement sonner alors que tu es en pleine conversation simulée...

4/ arguer l'argument humanitaire : "Je ne souhaiterais la bonne année que lorsque le monde entier pourra la fêter avec le sourire".
Avantage : tu es une personne engagée, une personne investie, tu crois en tes idées.
Inconvénient : tu viens de flinguer l'ambiance bon-enfant de tout le monde, rabat-joie va.

5/ avouer son scepticisme : "moi, le nouvel an, je n'y crois pas."
Avantage : le temps que la personne intègre cette réponse, tu auras eu le temps de te barricader dans ton bureau.
Inconvénient : tout le monde pense que tu es barrée. tarée. ailleurs quoi.

6/ remettre les choses au clair sur les rapports en entreprise " nous sommes collègues, je ne voudrais pas que cet acte créé un précédent, je préfère que nous en restions à des rapports distants".
Avantage : tu n'auras plus jamais à faire la biz à qui que ce soit. Ni à participer aux pots de départ, d'anniversaire. Ni à participer à aucun conversation.
Inconvénient : tout le monde pense que tu es psychorigide, voire frigide.

7/ dire la vérité "non, mais vraiment Patrick, tu penses sincèrement que j'ai envie de démarrer l'année en te faisant la bise? ça n'a rien à voir avec les mocassins à glands, le gilet tricoté sans manche, la cravate mickey. Ce n'est même pas une vengeance pour toutes les fois où tu me mates le cul et les seins dans le couloir, pour ces précieux moments où tu me frôles dans l’ascenseur. Mais là, j'ai encore la dinde, le foie gras, la bûche et le champagne en haut du gosier, alors si je dois respirer de plus près l'odeur qui s'échappe de ta bouche, bouche qui aurait aimé comme bonne résolution le brossage de dents au moins hebdomadaire, je sens que je vais dégueuler sur la moquette. Et je n'aime pas vomir au travail. Sans rancune, hein !"
Avantage : tu as été franche, tu as évité la bonne bise sans feinter.
Inconvénient : tu es méchante et tout le monde le sait maintenant.

Bonne année ! allez, pour une fois, on s'embrasse ? 












vendredi 30 novembre 2012

Les petites rencontres.



Comment nous sommes nous rencontrés ? nous sommes nous déjà rencontrés ? peut-être pas physiquement, et peut être même pas du tout. Combien de personnes rencontrons-nous chaque jour ? et toutes ces rencontres peuvent-elles vraiment être qualifiées de « rencontres » au sens strict du terme. La définition du mot « rencontre » peut tout englober : « Une rencontre désigne le moment où deux ou plusieurs personnes se réunissent ensemble à un endroit particulier, soit fortuitement, soit de manière concerté via un rendez-vous ». Prenons aussi en compte la rencontre professionnelle, la rencontre sportive, la rencontre des éléments, des objets…
Que peut-on qualifier de vraie rencontre ? La rencontre avec tous les gens qui partagent nos vies ? La première rencontre. La toute première de notre vie, celle où pour la première fois, on croise les regards tout embués de ceux que l’on entendait parler depuis des mois, à l’extérieur. Cette rencontre là, qui chamboule tout sur son passage.
Et puis nos amours, nos amis, nos connaissances, ceux qui restent, puis ceux qui vont et viennent. Les rencontres fugaces mais qu’on n’oubliera jamais. Les rencontres qui durent, qui se renouvellent chaque jour, chaque semaine et que l’on accueille avec toujours autant d’enthousiasme. Les vieilles rencontres, celles qu’on oublie, mais qui se ravivent instantanément, dès les premières secondes, et  que l’on reprend au même endroit sans effort. Les rencontres terminées, classées, celles qui se sont finies dans un conflit ou une lassitude. Celles-ci peuvent laisser de traces indélébiles ou non. Elles peuvent n’être qu’une manifestation du cours de choses : les rencontres se font et se défont, parfois avec peine, parfois avec mépris, parfois avec indifférence. Les vilaines rencontres, celles que l’on voudrait ne jamais avoir faites, que l’on rejette loin au fond de notre esprit, dans l’espoir qu’elles s’en échapperont un jour.
Et puis il y a les rencontres avortées. Celles que l’on aurait voulu faire durer toute la vie, mais que l’on a pu goûter que quelques mois, quelques années. Juste le temps de s’habituer à la chaleur, à la douceur, au bonheur. Ces rencontres là, elles restent gravées en soi. Elles sont chaudes et froides en même temps. Chaudes, par le réconfort des beaux souvenirs, des moments, des voix, des odeurs. Puis froides, par la cruauté de la douleur que le manque nous fait ressentir. Encore et encore.

Et puis, il y a les petites rencontres. Celles que l’on fait tous, tout au long de la journée et qui vont, d’une façon ou d’une autre en modifier le cours, ou tout du moins, la façon dont nous allons l’appréhender. Ces petites rencontres insignifiantes et qui pourtant, selon notre humeur vont avoir un impact plus ou moins important sur notre vie. Le grand sourire de la vieille dame toute sèche que vous laissez traverser. Le costard-cravate qui vous tient la porte de sortie du parking. La boulangère qui vous dit « je vais plutôt aller vous chercher les petits pains tout chaud qui sortent du four ». Mais aussi, le chauffeur de taxi qui ne lâche plus son klaxon, le regard hagard, la bave aux lèvres parce que vous avez eu l’outrecuidance de vouloir changer de file de voiture. La tailleur-jupe qui accélère et vous coince contre le mur pour se garer à LA place où elle se gare tous les matins. Le chauffeur de bus qui préfère écraser trois personnes en hurlant plutôt que de s’arrêter devant un passage piétons. Votre patron qui ne vous salue pas en vous croisant dans l’ascenseur, et qui, remarquant sa bévue, lève la tête de son Iphone, vous gratifie d’un joli sourire carnassier avant de vous souhaiter une bonne journée en se trompant de prénom. Cette rencontre là aurait pu se conclure par un propos imagé mais très déplacé, par une larmichette pour cette énième humiliation du matin, mais j’ai décidé de l’effacer de mon disque dur interne et de la remplacer par les paroles de la dernière chanson entendue avant de couper le contact de la voiture « Un tout petit détour, où chacun dépose, ses souvenirs des belles choses… ».


lundi 19 novembre 2012

Où placer le curseur le la dignité ?



La base cette interrogation m’est venue lors mon entretien avec mon responsable, cet entretien qui vise à t’annoncer si tu as ou non décroché augmentation ou prime cette année. En règle générale tu le sais très rapidement. Si c’est oui, le manager ne va pas forcément prendre des heures pour te l’annoncer, c’est un cas facile pour lui, il sait qu’il va plus ramer avec les autres membres de l’équipe qui eux n’ont rien, il ne va donc pas perdre son temps avec le grand gagnant. Avec un peu d’entrainement, tu peux savoir dès le pas de la porte ce qui t’attend. A la tête de la personne en face de toi, à sa façon de te saluer, de te présenter la chaise pour t’asseoir, d’entamer la discussion.
Alors que j’étais assise depuis dix bonnes minutes face à mon responsable, à l’écouter réciter un discours fort bien argumenté je dois l’admettre, je me demandais comment  réagir avec dignité à ce nouvel affront. Les arguments avancés reposaient sur trois points : l’entreprise a des difficultés en ce moment, vous n’avez pas « sur - performé » cette année, et vous avez déjà un salaire honorable par rapport à vos collègues.
Concernant la situation de l’entreprise, c’est fou comme la crise peut être un bon argument pour tout un tas de situations : donner de toutes petites étrennes aux éboueurs qui te balancent ta poubelle violemment contre le mur de ta maison quand ils ne la laissent pas tout bonnement au milieu de la route, ou abréger l’appel téléphonique du vendeur de vérandas/fenêtres/pompes à chaleur, par exemple. Argument pratique mais moche quand il se retourne contre vous. Parce que c’est bien cet argument là que ce gentil monsieur est en train de me servir en introduction. Les temps sont durs, nous devons tous être solidaires, l’entreprise peut se sortir de cette mauvaise passe mais il faut que chacun y mette du sien, et que tous se soutiennent mutuellement. Son soutien à lui pourrait peut être commencer par me prêter au choix, sa voiture de fonction, son téléphone de fonction ou bien alors me faire le plein une ou deux fois par mois avec sa carte pro. Ce serait déjà un bon départ de solidarité inter-entreprise, mais là n’est pas le propos me dirait-il sûrement. 

SurPerformeuse, SurPerformeuse, ah oui c'est moi...

Et puis, de toute façon, je n’ai pas surperformé. La surperformance est un terme difficile à cerner, même pour ton manager. Posons-lui calmement la question de ce que cela signifie concrètement, qu’il l’illustre par un exemple, et nous verrons que la non surperformance peut revêtir des formes insoupçonnées. Un dossier bouclé dans les temps, un évènementiel réussi, les objectifs remplis constituent une performance mais en aucun cas une surperformance. On surperforme lorsque l’on va au-delà des demandes de notre hiérarchie, lorsque, transcendée par un professionnalisme rarement égalé, nous anticipons, nous rendons nos dossiers avec deux jours d’avance, nous réalisons les tâches avant mêmes qu’elles ne nous soient confiées, que telle une tornade d’efficacité nous résolvons tous les problèmes avant même qu’ils ne se posent. Attention tout de même que votre surperformance ne vienne pas empiéter sur la performance de notre supérieur, ça, ça ne se fait pas.


Et puis, de toute façon, j’ai un salaire honorable par rapport à mes collègues. Cette affirmation ne repose que sur l’absence totale de confiance entre collègues et le tabou qui entourent le salaire : personne ne divulgue à personne son salaire dans une même direction. Et quand certains brisent le tabou et viennent poser directement la question «  et toi, tu gagnes combien ? tu as eu combien de prime ? ta dernière augmentation date de quand ? », On peut apercevoir cette expression familière de grand moment de solitude sur le visage, qui exprime non pas l’hésitation de se dire si nous allons ou non répondre sincèrement aux questions posées, mais plutôt à l’élaboration vitesse grand V du mensonge éhonté que nous nous apprêtons à formuler. Le supérieur se base donc sur cette vérité pour se permettre d’affirmer notre haut niveau de salaire par rapport aux autres parce qu’il sait que nous ne pourrons vérifier ou du moins, obtenir une information fiable.
Au bout de plusieurs longues minutes d’un monologue uniquement ponctué par mes hochements de têtes et quelques acquiescements murmurés, la parole allait m’être donnée. Après la conclusion de mon responsable, qui se terminerait inévitablement par un « vous comprenez donc bien que nous ne pourrons vous octroyer aucune augmentation ou prime cette année et vous m’en voyez désolé », j’allais pouvoir exprimer toute ma frustration, mon écœurement face à cette situation.  J’avais en tête la date de ma dernière augmentation, les différents dossiers où j’avais pleinement réalisé mes objectifs, j’étais prête à contre-attaquer sobrement, plein de dignité.
Car l’idée n’est pas non plus de perdre tout sens commun et de céder à la facilité. Par exemple, se mettre à pleurer, supplier, pire, tenter d’attirer la pitié en citant le nombre de bouches à nourrir, l’otite du petit dernier à soigner, le montant des impôts à payer, est tout de suite catalogué comme un grand manque de dignité. Flatter peut être une alternative, sauf quand cela n’intervient que lors de cet entretien. Un petit compliment sur la cravate ne peut pas faire de mal, mais inutile de vous adresser à votre responsable par un « votre grandeur » ou « maître », qui de plus pourrait être mal interprété. Je passe sur les différentes formes de soudoiements possibles, du monétaire au sexuel, toute once de dignité y est improbable. Le chantage peut être une option,  mais autant dire qu’il faut avoir en sa possession du lourd, du très lourd pour s’embarquer dans ce chemin, avec sans dignité d’ailleurs.
Mais la dignité est-elle nécessaire ? Ne peut on pas tout simplement l’oublier, se jeter aux pieds de son chef adoré, laissant échapper quelques larmes si c’est pour obtenir un petit mieux financier chaque mois ? Ne pourrait-on pas arriver à son entretien avec quelques petits gâteaux « maison » juste pour témoigner de son admiration inconditionnelle ? Proposer un massage des épaules, parce que oui on le sent tendu tout de même, c’est normal avec toutes ses responsabilités, est-ce vraiment une tentative de « promotion canapé » ?
Et puis d’abord, est-ce que les gens autour de nous ont de la dignité tout le temps ? Comment conserver sa dignité lorsque l’on doit ramasser la crotte chaude de son chien devant les regards dégoutés des passants ? Comment rester digne face à ce collègue qui se trompe de prénom en vous interpellant alors qu’il vous côtoie depuis des années ? Garder la tête haute lorsque le talon de son escarpin se coince entre les pavés du trottoir et vous fait faire une figure digne de « Danse avec les stars » (notez la référence, merci) ? Pourquoi devrais-je tout faire dans la dignité moi ?!
La vieille dame qui nous passe devant à la boulangerie, elle en a de la dignité ?  La minette qui nous fait une queue de poisson en voiture et qui en plus nous engueule ? Le père de famille qui pique une pochette pleine de jeux de DS alors qu’il voit l’enfant à qui elle appartient jouer à 2 mètres ? Le défenseur de l’ordre moral qui n’hésite pas à sauter à pieds joints sur une femme nue ? Mais je m’égare …
Au moment de prendre la parole, un doute m’assaille et je demande à mon responsable s’il veut bien répéter sa dernière phrase, car elle ne correspond pas à ce que j’attendais. Il m’octroie une prime. Youpla direz-vous mais attendez la suite. Son montant est de 50€. Brut. Soit 32€ nets. Si mon curseur de dignité était placé très haut, je lui aurais sobrement répondu que je le remerciais chaleureusement de cette distinction, mais que je préférais qu’il garde sa prime parce que son montant astronomique risquait de me faire sauter une tranche d’imposition. Sauf que, comme mon curseur de dignité est depuis bien longtemps au niveau zéro dans mon milieu professionnel, mais que par contre mon curseur lâcheté est au beau fixe, j’ai juste murmuré un merci, avant de m’éclipser vers la machine à café, pour crier, pas trop haut et pas trop fort, que c’est tout de même un scandale de proposer des primes aussi ridicules, que c’est limite un manque de … dignité.

jeudi 25 octobre 2012

Power Rangers force Rouge Ou Dois je synchroniser ma vie virtuelle et ma vie en vraie, et si oui, comment ?



Vaste sujet cet après-midi autour de la soupe de tomate du gouter (récession alimentaire oblige). En réalité, cela n’a pas été formulé comme ça par la personne concernée, elle a plutôt dit « il y a une vieille copine à moi qui m’a virée de sa liste d’amis sur FB, je lui envoi un mp (message privé pour les ermites ou réfractaires) d’insultes ? ». En bref, une de ses connaissances dans la vraie vie de tous les jours l’a supprimée de sa liste d’amis facebookiens. Et là, légitimement, elle s’interroge. Est-ce une erreur technique ou y a-t-il une raison particulière ? surtout que ma collègue n’a pas franchement envie de décrocher son téléphone pour demander à l’intéressée « hey dis, pourquoi tu n’es plus ma copine sur FB ? ». Tout le monde ironise autour de nous, n’empêche que ça rappelle des souvenirs de cours de récrée, où les fameux « t’es plus mon copain, t’es plus ma meilleure amie » sonnaient le glas d’amitiés solides datant d’au moins quinze jours. Sauf que, dans le monde des adultes, on dit rarement à quelqu’un « t’es plus mon copain », on a grandi, on a  muri. En fait quand quelqu’un nous insupporte, on s’éloigne, on l’évite, on met de la distance et on espère qu’il comprendra tout seul.
Avec notre ami facebookien, la peur enfantine du « t’es plus ma copine » resurgit. L’angoisse de l’élimination pure et simple, ni vue ni connue nous guette tous. Parce qu’en plus, FB ne vous prévient pas, il n’est pas si vilain que ça. Tu peux en fait supprimer qui tu veux sans que la personne ne le sache, soit sans explication. Et inversement, tu peux être radié sans même t’en apercevoir. C’est moche. Mais pratique, tu peux virer discrètement le collègue que tu as accepté il y a quelques mois parce que tu n’as pas eu le cœur d’ignorer sa demande, ou parce que tu voulais augmenter ton nombre d’amis, petit sournois. Et pif paf, l’ami débarqué se voit rayé de notre vie facebookienne, ne peut plus admirer nos photos, connaître les détails de notre vie, savoir que nous avons besoin d’une éponge magique pour combattre le dragon gardien du passage secret du niveau 3. La loose quoi.

Ma collègue nous confie tout de même au bout d’un moment qu’elle avait un peu vu le coup venir : la dite personne avait publié un texte sur sa déception du comportement de certains et sur le fait qu’elle allait bientôt « faire le ménage » dans ses amis. Allez, avouons, nous avons tous déjà lu ce type de message sur certains profils de nos amis : celui s’adresse à tout le monde et personne, qui est plein de sous-entendus que personne ne comprend. Et là deux catégories de personnes apparaissent : ceux qui s’en foutent, et les paranos, ceux qui se demandent ce qu’ils ont bien pu faire (même si ils n’ont plus croisé la personne depuis dix bonnes années) et qui surveillent frénétiquement leur nombre d’amis pour voir si le couperet va tomber sur eux ou non.





Mais peut-on réellement « supprimer » un ami de sa vie ?
Le problème est peut être juste dans le langage employé. « Ami » : proche, intime, personne à qui l'on est lié par amitié, avec qui l'on a des affinités. La définition est vaste et surtout très subjective puisque chacun retrouve des qualités qui lui sont propres dans l’amitié. Parce que sois honnête, les collègues de travail dont tu as eu la faiblesse d’accepter l’invitation seront-ils un jour des Amis ? la copine de CE1 perdue de vue depuis 30 ans ? le petit neveu de ton poto Polo ? hein ? FB a commencé à entrevoir le problème puisqu’il a créé des listes où tu peux être relégué à une simple « connaissance ». Ça correspond déjà beaucoup plus aux liens que tu entretiens avec 75 % de tes amis facebookiens. Tu peux également limiter le contenu de tes publications, créer des groupes bloquant tes publications à certaines personnes de ta liste d’ « Amis ». C’est légèrement plus lâche que la suppression pure et simple, c’est un tout petit peu plus discret, mais il ne faut pas se leurrer, si la personne visite ton profil et voit qu’elle n’a plus accès à aucune  de tes informations, elle doit bien se douter qu’elle est en transit vers la sentence suprême. Elle est en quelque sorte en partance … disons que c’est pour la ménager, tu agis par paliers.

Jusqu’ici ma collègue a tout bien intégré, elle est d’accord avec nous sur le fait que ce n’est pas bien grave même si on la sent vexée comme un pou. Cependant, elle a une interrogation plus importante et légitime : « et dans la vraie vie, concrètement ça donne quoi ? ». Et effectivement, que se passe-t-il lorsque l’on croise la personne fraîchement radiée ou celle qui nous a sciemment écarté de sa vie en vrai de vrai, physiquement ? quand on tombe par hasard sur elle au rayon légumes du Monop’ ? On s’ignore ? on se salue poliment ? J’imagine que l’on ne se bisouille pas … mais comment savoir ? dois-je consulter ma liste d’amis facebookiens avant chaque sortie histoire de ne pas commettre d’impair ?
D’autres personnes se sont déjà posé la question. Sur FB même il y a des groupes comme « Demander à FB l'option pour savoir qui t'as supprimé de sa liste d'amis » ou « Pour que Fb ajoute "**** vous a supprimé de sa liste d'amis" », des applications à télécharger te scannent ta liste d’amis quotidiennement et dénoncent le vilain qui t’a supprimé la veille, discretos à 23h15… Mais tout ceci ne nous explique en rien comment l’appliquer dans la vraie vie. Nous avons donc planché ce jour devant la machine à café pour mettre en place une application de synchronisation entre ta vraie vie et ta vie sur le net. Un peu à l’image de la sacro-sainte synchronisation du blackberry et de ton poste de travail… mais si, tu sais, cette brave synchronisation qui t’a permis à maintes reprises de ne pas t’attirer les foudres de l’auteur du mail auquel tu n’avais pas répondu dans les temps « c’est encore la synchro avec mon black qui ne s’est pas faite, je n’ai pas eu votre mail, pffff….. ». Il existe déjà un moyen de synchroniser toutes les informations présentes sur tous les réseaux sociaux, il faut juste étendre à la vie en vrai, je ne vois pas où est la difficulté.
Dans la définition de suppression il y a : « abolition, abrogation, absorption, annulation, bannissement, cessation, confiscation, coupure, destruction, disparition, effacement, levée, privation ». Nous ne retiendrons ni bannissement (c’est rude quand même), ni absorption (je ne veux absorber personne moi et encore moins être absorbée…) mais plutôt « effacement, disparition ». Donc, voici le principe : celui qui est à l’origine de la suppression doit tout faire pour disparaître physiquement de la vie de l’autre, il doit « s’effacer ». Charge à lui donc de se cacher lorsqu’il aperçoit le supprimé. Planqué derrière son conjoint, accroupi le long d’une voiture dans un parking, collé à un arbre dans un parc, n’importe quelle solution doit être envisagée. N’apparaissant plus non plus dans votre vie réelle, la suppression de l’ami facebookien prend tout son sens, ce n’est plus seulement une petite lâcheté ramenée de la cour d’école mais bien un vrai moyen de gérer efficacement ses relations avec autrui. Bref, Parker Lewis avait sa synchronisation des montres, les Powers Rangers leur synchronisation des couleurs, nous aurons notre synchronisation amicale facebookienne/tavieenvrai… Qui vote pour ?